par drs. Kees Kaldenbach, historien d'art, Amsterdam. Donne des Private Art Tours
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Grande image Vue de Delft.
Un ciel radieux, en partie nuageux, au petit matin, qui vient juste de se dégager après une averse. Sous cette étendue de nuages et de ciel bleu, se détache la silhouette nette de la ville de Delft. Voici Vue de Delft, étonnante réalisation du peintre hollandais Johannes Vermeer.
Dans cette célèbre peinture, un rayon de soleil vient frapper les toits des maisons le long du canal de Lange Geer et de la tour de la nouvelle église (nž 9 et 10 - voir la numérotation du dessin au trait). Le contraste attirant entre les parties très éclairées des maisons et de la tour, et leurs alentours qui demeurent dans l'ombre, crée un effet de profondeur. La vibrante luminosité de cette peinture a fasciné de nombreuses générations d'admirateurs, du XVIIe siècle à nos jours. Vue de Delft était le clou de l'exposition Vermeer qui s'est d'abord tenue à la National Gallery of Art, Washington DC puis au Cabinet Royal des peintures Mauritshuis de La Haye. A l'heure actuelle, la page d'accueil du site du Mauritshuis affiche une petite reproduction du tableau. Un autre site présente la Vue de Delft en entier. Autres peintures de Vermeer sont exposées au Amsterdam Rijksmuseum (Musée de l' état d'Amsterdam) proposant des peintures en grand détail au site Internet. Un autre site encore, présente tous les tableaux connus de Vermeer. Pour mieux voir l'oeuvre pendant la lecture de cette page, veuillez vous en procurer une reproduction dans un livre d'art. Article dans Artibus et Historiae, 1982 en Anglais est maintenant sur Internet.
Les livres d'histoire de l'art récents considèrent que le roi Guillaume I d'Orange - qui régna de 1813 à 1840 - appréciait ce tableau et avait décidé de l'acheter car "...il savait qu'un jour, lui aussi serait enterré dans la crypte située sous le monument de ses ancêtres". L'histoire de l'acquisition de la Vue de Delft est en fait plus compliquée. Ce ne fut pas le monarque lui-même qui choisit le tableau, mais le directeur (du futur) Rijksmuseum et son conseiller. En ce qui concerne l'achat des tableaux en général, l'histoire de la Collection Royale du Mauritshuis et celle du Rijksmuseum s'entremélèrent durant le règne de Guillaume I. A cette époque, le directeur du Rijksmuseum préférait en fait une autre peinture. Quoi qu'il en soit, Guillaume I aurait apprécié le tableau de Vermeer, car il faisait ressortir la tour de la nouvelle église (10) qui joue un rôle majeur au milieu droit du tableau. Cette tour fait partie de la nouvelle église qui héberge le monument funéraire en marbre de son prédécesseur Guillaume d'Orange, lequel régna au XVIe siècle.
De nombreuses générations d'amateurs d'art, de profanes aussi bien que d'historiens d'art, ont considéré que Vermeer avait peint un rendu exact de Delft tel qu'elle était de son vivant - aux alentours de 1660. Pour voir si c'est bien le cas, suivons la visite guidée du tableau.
Vers la droite, Vermeer fait figurer la porte de Rotterdam (11), constituée du bâtiment principal et de la barbacane avec ses deux tours jumelles (12). Juste devant, un double pont-levis conduit à une série de petits chantiers navals le long du canal de la Schie, visible à l'extrême droite.
Au milieu du tableau, Vermeer a fait figurer la porte de Schiedam (8), dont seul le bâtiment principal (pas la barbacane) existait de son temps. Ce bâtiment est construit en briques rouges, alternant avec de minces couches de grès (la brique, produite localement, étant bon marché, le grès devant être importé à grand frais). L'ouverture de sa porte n' était pas effectuée pour le trafic. Car juste à gauche de la porte de Schiedam (8) se trouve la porte de Kethel, qui donnait aux charrettes et aux coches un accès direct de la ville au quai de la Schie (7).
Juste à gauche de la porte de Schiedam (8) se trouve un hangar en bois construit en 1611, où étaient stockés de grosses pièces de bois à usage militaire : palissades, madriers, poutres, moulins à eau et à grain sur chariots mobiles, béliers et corbeilles pour déplacer de la terre. C'est l'un des bâtiments d'armement qui marquent le caractère militaire de la ville de Delft.
Derrière le bâtiment principal de cette porte de Schiedam, vers la gauche, on voit le toit de l'Armementarium, le hangar aux armes (6), qui existe encore aujourd'hui.
L'artiste hollandais Jan de Bisschop a peint cette vue d'un point situé un peu plus à gauche. Ce qui demeure flou et mal défini dans le tableau de Vermeer est clairement tracé dans son dessin au lavis : la la porte de Schiedam (B1), la porte de Kethel (B2) et, sur lautre rive, la barbacane de la porte de Rotterdam (B3). Un certain nombre de gens se tiennent là, attendant sur le quai et sur la digue qui se trouve devant la Porte de Schiedam. Le mur vers la gauche, qui était renforcé par une digue de terre, est fortifié avec des tours semicirculaires.
Les portes de Schiedam et de Rotterdam ont été construites après 1394, mais restaient inachevées en 1514. En 1590-91, elles ont été toutes deux modernisées selon les goûts et canons architecturaux de l'époque. Le dessin architectural de la facade latérale de la Porte de Rotterdam a même été préservée.
La barbacane de la Porte de Schiedam s'est écroulée au XVIe siècle et a été démolie, mais la digue sur laquelle elle se dressait a été préservée. Les terrassements triangulaires du reste des fortifications ont été creusés donnant naissance au port triangulaire de Kolk, à l'emplacement où le canal de la Schie rejoint la ville de Delft. Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, une taxe était levée à toutes les portes de la ville, pour tous les biens entrant par voie terrestre ou fluviale.
En 1695, un autre artiste hollandais, Josua de Grave, fit des dessins de cette vue de la ville vers la Porte de Rotterdam (G1), la porte de Schiedam (G3) et la porte de Kethel (G4). Ils sont si détaillés que l'on est presque en mesure de s'y promener. Eux aussi aident à comprendre ce que Vermeer a peint.
Sur la gauche, vers l'extrémité de la barbacane de la porte de Rotterdam, jaillissant du mur, on voit deux tours octogonales (G2) qui flanquent le pont-levis. En haut, entre ces tours se trouvait la salle de garde, dont le plancher était percé de trous. La route étroite qui conduit du pont-levis au bâtiment principal est légèrement courbée, mettant les rues de la cité à l'abri des projectiles ennemis. Cette route est flanquée de chemins de ronde construits sur des arches. Le passage vers le bâtiment principal pouvait être fermé en abaissant une très lourde grille. Dans le plancher des salles supérieures où ce dispositif était mis en oeuvre, il y avait plusieurs trous par lesquels les ennemis pouvaient encore être attaqués. Cette barbacane a été démolie après 1695, sans doute à cause de son mauvais état. Cependant, la porte principale est demeurée jusqu'à sa démolition, en 1836.
Au premier plan, Vermeer a peint des gens et un coche d'eau, de façon à rendre la scène plus vivante. Parmi les personnes qui se tiennent debout sur le quai, trois bourgeois, qui portent des vêtements élégants (13). Il se tiennent près du coche, dont on voit l'arrière avec le gouvernail. Le coche est surmonté d'une structure blanche et rouge en forme de tente pour protéger les passagers du vent et de la pluie. Sur la droite, au premier plan, deux femmes en robes de paysannes, l'une portant un panier sur les bras et une étoffe carrée drapée sur les avant-bras (14). Une troisième femme, habillée en fermière, se tient sur la gauche des bourgeois. Sur un cliché aux rayons X de la partie droite de cette rive, on voit apparaître un autre homme, qui fut recouvert par Vermeer pour des raisons de composition.
Amarrés au chantier vers l'extrême droite, deux harenguiers, bateaux qui étaient spécialement conçus pour rendre la pêche au hareng rentable (17). Le mât principal a été abaissé et enlevé à l'aide d'un treuil pour être réparé. Au milieu des navires est visible l'ouverture par laquelle les filets étaient amenés. Pour plus d'information, cliquer un texte en Anglais: Nouveau Les bateaux sur la Vue de Delft, la datation la plus exacte jamais publiée ; The ships on View of Delft; the most exact dating of this painting ever published.
Le saisissant " effet photographique " des tableaux de Vermeer a été l'objet de multiples débats. Lors de ses préparatifs, il utilisait sans doute une Camera Obscura (une boîte en bois munie d'une lentille, d'un miroir et d'un carreau de verre dépoli, comparable aux premiers appareils photo) comme source de recherche et d'inspiration. Si le soleil frappe sa surface humide, on voit à travers la Camera Obscura un ensemble d'anneaux flous - appelés cercles de confusion - sur le verre dépoli. De façon assez bizarre, Vermeer a reproduit cet effet d'optique dans une zone d'ombre sur le côté du bateau, hors de la lumière directe du soleil, c'est à dire pas à un emplacement logique.
Au loin, devant le mur de la ville (15), des personnages sont visibles, minuscules silhouettes sur le quai, où plusieurs voiliers sont amarrés. Dans l'eau, contre le côté de la porte de Rotterdam, on peut voir des coches d'eau (16) analogues à celui qui figure au premier plan à gauche. Leur mâts sont décorés d'une bande rouge en spirale. Ces embarcations étaient tirées par des chevaux de trait au moyen d'une très longue corde. La corde allait du cheval au haut du mât situé à l'avant du coche et, de là, à l'arrière du bateau où elle était attachée près du chef de bord qui se tenait à la barre.
Il y avait aussi un autre type de bateau doté d'un mât robuste, sur lequel on hissait une voile par bon vent. Si le vent était trop faible, un cheval tirait la corde de halage et faisait avancer l'embarcation. Mais ces chevaux de trait (souvent des bêtes âgées qui avaient l'essentiel de leur vie productive derrière eux) étaient surtout employés pour tirer les embarcations étroites du type de celles que montre Vermeer. Le garçon suivait le chemin de halage le long du canal. Au XVIIe siècle, les villes hollandaises étaient reliées par un réseau de lignes desservies par des coches d'eau, qui étaient à l'époque l'un des systèmes de transport public le plus avancé au monde. Ils offraient un moyen de transport quotidien à horaire fixe, fréquent, fiable confortable et bon marché, reliant de nombreuses villes de Hollande. Pour les voyages de nuit, on utilisait les gros bateaux à voile.
La rangée de maisons que Vermeer a peinte à gauche existe encore. C'est la rue de Kethel (voir à la lettre K sur détail de la carte) qui est perpendiculaire au quai. Dans le tableau, on remarque certains des hauts de pignons qui dépassent au dessus du mur de la ville. La position de ces pignons est difficile à repérer car certains sont proches les uns des autres et d'autres font partie des bâtiments situés plus loin. On ne voit que le triangle supérieur (1) du pignon pointé sur la gauche. Il appartient au bâtiment situé un peu plus loin, qui a un grand toit horizontal (3). Sous ce triangle, on voit une rangée de trois petits pignons échelonnés (2). Ceux-ci se situent devant le grand bâtiment mentionné ci-dessus et font partie des maisons le long de la rue de Kethel (K).
Des mesures précises effectuées au début des années 1980 ont montré que l'intervalle régulier entre ces maisons (tous les 40mm dans le tableau de Vermeer) reproduit exactement celui des maisons actuelles (qui font chacune environ 4m de large). Après ces mesures, la plupart de ces constructions ont hélas été détruites. L'une des maisons portait une décoration en pierre sur laquelle était inscrit 1670. En peignant cette rangée de maisons, Vermeer a manifestement reproduit la réalité de façon très fidèle.
En revanche, il choisi de ne pas en faire autant en peignant le reflet des constructions dans l'eau de la Schie. Il a agrandi ce reflet afin de lier visuellement le premier plan et le second plan. Le long toit horizontal mentionné plus haut (3) ne peut être repéré si l'on étudie des cartes des XVIIe et XVIIIe siècles ou des vues en élévation de cette partie de Delft. Il est possible qu'il y ait eu un grand toit sur la brasserie De Papegay (Le Perroquet) dont fait partie la tour étroite (5). Sans doute Vermeer a-t-il adapté la hauteur et la largeur du toit pour les besoins de sa composition. La barbacane de la porte de Rotterdam a également été déplacée sur le côté, de façon à obtenir un effet de frise horizontale. Pour la même raison, le pont entre ces portes a été aplati et étiré. Lorsque l'on se rend à Delft, la tour de vieille église apparaît aussi massive et imposante que celle de la nouvelle église. Dans le tableau, la tour de la vieille église est à peine visible, tandis que celle de la nouvelle est saillante et deux fois trop large.
Du reste, le clocher s'avère être vide ! Des documents récemment découverts ont établi que les carillons de la tour de la nouvelle église avaient été descendus et rénovés à l'été 1660, lors d'une restauration effectuée par la Société Hemony. Vermeer travaillait avec lenteur et soin sur ses peintures, qu'ils mettait de côté à sécher de temps en temps. Ainsi le clocher vide indique-t-il l'année 1660, confirmant la date proposée sur les bases stylistiques. Le tableau aurait été achevé entre 1661 et 1663.
Les touristes qui musardent se méprennent parfois en croyant que la porte est de Delft - avec ses tours jumelles photogéniques - est précisément celle que Vermeer a peinte. En fait le point de vue (S) que Vermeer a choisi était au sud de l'Armementarium (ou Arsenal), de l'autre côté du plan d'eau de la Schie, au premier ou second étage d'une maison sur Hooikade (Quai au foin). Mais, hélas, en 1982, la vue de ce point intéressant (au nž 29), était décevante et, depuis sa démolition, il n'existe plus. Les urbanistes de Delft ont cependant aménagé un square appelé Plein Delftzicht (Square de la Vue de Delft), avec une terrasse semi-circulaire qui permet de contempler Delft telle qu'elle était.
Aujourd'hui, il ne reste pas une pierre pour nous rappeler les deux anciennes portes, depuis la démolition de la porte de Schiedam en 1834 et de celle de Rotterdam en 1836. Un intense trafic automobile passe à toute vitesse entre les fantômes de ces deux portes. Seul l'Armementarium, les bâtiments le long des canaux et deux façades le long de la rue de Kethel nous rappellent ce qu'était Delft du temps de Vermeer.
Cliquer sur Delft pour une présentation rapide de la ville en anglais. Vous resterez sur ce site.
Pour une étude détaillée de ce tableau (comparé avec quelques 25 reproductions de cette vue par d'autres artistes), voir l'article " Vermeer's View of Delft and his Vision of Reality " parue dans le magazine Artibus et Historiae nž 6, 1982, sous la signature de l'auteur et d'Arthur Wheelock, conservateur de la National Gallery, Washington DC.
Une carte détaillée avec les maisons de nombreux artistes et protecteurs de Delft au XVIIe siècle est paru dans le catalogue de l'exposition Vermeer & the Delft School, 2001, qui sera publié conjointement par le Metropolitan Museum of Art de New York et la National Gallery de Londres.
Une carte de Delft avec l' emplacement des artistes paraîtra dans The Cambridge Companion to Vermeer, Cambridge University Press, 2001.
Dès leur parution, tous ces articles seront présents sur ce site.
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drs. Kees Kaldenbach, historien d'art, Amsterdam. Donne des Private Art Tours
Le tableau fut acquis par l'état Hollandais (et accroché dans la Galerie Royale) en 1822 pour la somme alors considérable de 2900 florins hollandais - équivalant approximativement au salaire annuel de six habiles artisans. Le catalogue de 1822 dans lequel figurait l'uvre indiquait que la majorité des tableaux de cette vente provenait de la collection Stinstra, dans la ville des Frises du Nord de Harlingen. Toutefois, le très beau catalogue de la grande exposition Vermeer de 1996 nous fournit de nouveaux éléments sur la provenance de ce tableau. Il n'a en fait jamais été à Harlingen mais faisait partie de la collection de W. Kops et lord Teding Van Berkhout à Haarlem (pour ces découvertes, voir aussi le magazine bilingue Maurithuis in focus, déc. 1995).
Les dessins et gravures des villes hollandaises étaient très populaires au XVIIe et XVIIIe siècles. Le marché hollandais - nombre d'artistes tels que Abraham Rademaker &endash;en ont réalisé de très nombreuses vues. C'est une chance que la partie de Delft que Vermeer a peinte n'était pas seulement remarquable mais était aussi un port d'embarquement très fréquenté Ainsi, de nombreux artistes attendant le départ de leurs coches faisaient-ils parfois, de cet endroit, des croquis qui nous éclairent deux ou trois siècles plus tard.
Artist abstract hollandais Peter Struycken sur Johannes Vermeer.
A review of the book Vermeer Studies on the Vermeer colloquium of 1995-1996: Gaskell. The same book is discussed by me in Dutch; Kaldenbach
Jonathan Janson fait des peintures au stile de Vermeer et explique ses techniques:
http://www.essentialvermeer.20m.com/
http://howtopaintavermeer.fws1.com/
One may look for exact position of houses and their inhabitants at this Geographical Information System (GIS) for Delft:
http://historischgis.delft.nl/historischgisdelft/
and then find more detailed info about the persons found at
Ecrivez-moi kalden@xs4all.nl
Merci a Éric Seyden du Transfo, BA-SUD 60 rue de la Colonie, 75013 Paris, pour cette traduction.
I will sign off with a respectful salute to Vermeer for leaving to us his breathtaking heritage, in particular his two largest paintings 'The Art of Painting' now in Vienna, which gave me such a jolt when I first saw it in 1975 and the 'View of Delft' which is discussed here. Although much is now known about both paintings they remain magical and wonderfully enigmatic. Thanks to the library staffs of:
Thanks also to Nico Bos and Marten Hoekstra for their help in designing this home page.
Version francaise. La page a été créée le 13 Novembre 2000. Update 12 Dec. 2005